Si le gouvernement a autorisé la suspension de certaines clauses sanctionnant le non-respect de délais contractuels, ou permis la prolongation de certains délais contractuels pendant la crise sanitaire du Covid-19 via l’Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 (dite Ordonnance « Délais ») (https://lerins.com/covid-19-la-prolongation-des-delais-contractuels-pendant-la-crise-sanitaire/), cette dernière a également eu des effets similaires sur la majorité des délais judiciaires et juridictionnels.
L’article 1er de l’Ordonnance « Délais » avait initié le principe d’une période juridiquement protégée (« PJP »), commençant le 12 mars 2020 et expirant un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire, ce dernier ayant été déclaré jusqu’au 23 mai 2020 par la loi 2020-290 du 23 mars 2020. Cela signifiait concrètement que la PJP était comprise entre le 12 mars et le 23 juin 2020.
La loi du 11 mai 2020 ayant prorogé l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020, se posait la question de la prorogation des délais échus pendant la par l’effet de cette nouvelle date.
La réponse à cette question est donnée par l’Ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire.
Celle-ci modifie l’article 1er de l’Ordonnance « Délais » en supprimant désormais toute référence à la notion de la cessation de l’état d’urgence, pour désormais fixer une date limite de prorogation au 23 juin 2020 inclus.
Ainsi, en ce qui concerne les délais échus, la PJP n’est pas prolongée du fait de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020 : elle prendra fin le 24 juin 2020 à 0h00.
Rappelons que l’article 4 de l’Ordonnance « Délais » prévoit notamment que les clauses résolutoires de contrats, ayant pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation assortie d’une date d’échéance, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la PJP.
S’agissant d’un bail commercial, la clause résolutoire est réputée acquise dans le délai légal d’un mois suivant la signification par huissier d’un commandement de payer visant ladite clause et demeuré infructueux.
Si un tel commandement a été, par exemple, délivré le 14 mai 2020, le délai d’un mois expirera le 14 juin 2020 soit pendant la PJP. Dès lors, en vertu de l’Ordonnance « Délais », le délai d’un mois ne commencera en réalité à courir qu’à compter de la date de fin de la PJP, et le preneur aura ainsi jusqu’au 23 juillet 2020 pour s’exécuter.
Si en revanche le bailleur avait attendu le 24 mai 2020 pour délivrer son commandement, le délai d’un mois pour y remédier aurait pris fin le 24 juin 2020, soit juste après la fin de la PJP, de sorte que le preneur n’aurait pas bénéficié d’un mois supplémentaire !
Moralité : à compter du 24 mai 2020, les bailleurs commerciaux retrouvent tous les effets de leurs clauses résolutoires, sans que la prolongation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020 y change rien.
Quant aux délais juridictionnels, si l’Ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 les prorogeant n’a pas été modifiée, cette dernière opère toutefois un renvoi à l’Ordonnance « Délais », dont l’article 1er définit la PJP.
Ainsi, concernant les délais juridictionnels, la PJP n’est pas non plus prolongée par la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020, et prendra donc fin le 24 juin 2020 à 0h00.
Conformément à l’article 2 de l’Ordonnance « Délais », tous les délais de procédures (prescrits par la loi ou le règlement) expirant entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus repartent à zéro pour expirer au plus tard le 23 août 2020.
A titre d’exemples :
- Si, au 15 mai 2020, vous disposiez d’un délai de 15 jours pour effectuer une formalité, vous avez désormais jusqu’au 8 juillet 2020 pour agir (23 juin 2020 + 15 jours) ;
- Si, au 10 juin 2020, une prescription quinquennale est acquise, le délai de prescription est prorogé jusqu’au 23 août 2020 inclus.
Il est donc fortement recommandé à tous de vérifier ses échéances contractuelles.
Même dans un monde qui ne tourne plus si rond, les horloges continuent de tourner !
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